Nicolas
BEAUZÉE
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Nicolas Beauzée fit
des études de mathématiques, puis de langues anciennes et modernes.
Enfin il devint grammairien. C’est un catholique
fervent : une Exposition abrégée des preuves historiques de la religion
chrétienne sera son premier ouvrage. Nous sommes en 1747. En
1756, quand Dumarsais, qui était chargé de la rédaction
des articles de langue (grammaire, usage, syntaxe…) de L’Encyclopédie,
meurt, c’est Beauzée qui le remplace. Reprenant la tâche
de son prédécesseur, le nouveau rédacteur se trouve confronté aux
subtilités et difficultés de la langue. Sans doute est-ce là le germe
d’une réflexion qui prendra corps dans sa Grammaire
future. De Beauzée dans son
travail, M.B. Jullien2 dit la chose suivante : « Il possède
à un degré éminent […] l’étroite liaison des principes et de
leurs conséquences, la déduction logique des définitions, en un mot,
tout ce qui distingue un métaphysicien subtil, un logicien rigoureux.
C’est ce qui fait que, sans avoir eu peut-être autant de génie que
ses prédécesseurs, il a avancé la science et donné, sur presque
toutes les questions importantes, des idées meilleures et plus saines.» En 1767, il
publie Grammaire générale
ou Exposition raisonnée des éléments nécessaires pour servir
à l’étude de toutes les langues.
Beauzée pense que les lois du langage sont toutes issues de quelques
principes généraux présents dans toutes les langues : il les expose
à travers quelques cas. L’énoncé est clair, raisonné, méthodique ;
c’est son œuvre essentielle. Sans doute est-ce chez Beauzée qu’on
trouve la synthèse la plus achevée et la somme la plus complète des
acquis des diverses « grammaires générales » de son temps. La « grammaire
générale », explique Jean-Michel Gouvard, « a pour objet […] la
détermination de principes immuables, valables pour toutes les langues
du monde, de tout temps et en tout lieu. La grammaire particulière,
en revanche, s’appuie sur des conventions changeantes d’une langue
à l’autre. » Marie-Thérèse d’Autriche,
à la suite de cette publication, le gratifie d’une médaille d’or.
Il obtient également un poste de professeur à l’Ecole royale
militaire de Paris3. Le 23 mai 1772,
il est élu à l’Académie française (sur le fauteuil de Duclos). En 1780, on
lui doit une réédition, les Synonymes de Girard augmentés des
synonymes de Duclos, Diderot, d’Alembert et de l’éditeur.4 Percevant le succès
de L’Encyclopédie, le libraire Charles-Joseph Panckoucke confie
à Beauzée et Marmontel la tache d’harmoniser le travail de Diderot.
C’est ainsi que, de 1782 à 1786, l’Encyclopédie méthodique
constitue une mise à jour, une réorganisation des thèmes, une simplification
des références, de l’Encyclopédie. En 1789, Beauzée
publie son Dictionnaire de grammaire et de littérature.
Cet ouvrage comprend les articles écrits pour l’Encyclopédie
auxquels sont adjoints les articles de littérature de Marmontel. * Les grammairiens de
l’époque5 se préoccupent de la ponctuation ; Beauzée
ne fait pas exception. Au XVIIIe siècle, écrit Annette
Laurenceau, « la ponctuation doit aider celui qui lit
à haute voix. » « C’est une ponctuation basée sur l’oral,
sur le rythme de la voix. » Beauzée écrit : « La
ponctuation est l’art d’indiquer par des signes reçus la proportion
des pauses que l’on doit faire en parlant. » Pour lui, c’est « une
métaphysique très subtile. » Il insiste sur son rôle syntaxique,
qui aide au décodage du sens. Cette façon de voir
suscita un engouement tel que « les éditeurs tombèrent dans une sorte
d’intégrisme de la ponctuation, ce qui les poussa même à corriger
et à ponctuer avec exagération, de sorte qu’ils sabotèrent le sens
d’origine de nombreux textes qu’on leur confia durant cette époque. »6 La ponctuation grammaticale
se généralise également au détriment de la ponctuation respiratoire
à mesure que se généralise la lecture silencieuse.7 On doit aussi évoquer
la prosodie dans une acception nouvelle à l’époque, en particulier
par rapport aux auteurs antiques, référence alors de règle. Beauzée
dit en effet de la prosodie qu’elle « est à l’égard de la voix
parlante ce qu’est la musique à l’égard de la voix chantante. » Concernant la langue
et ses règles, un point particulier est aussi à mettre en valeur,
relatif au genre : en 1647, Vaugelas énonçait : « Le genre masculin
étant le plus noble, il doit prédominer. » Vingt ans plus tard, Beauzée
confirme et « justifie » : « Le genre masculin est réputé plus noble
que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »8 * Bon latiniste, on doit
enfin à Beauzée des traductions : Salluste, Histoires
(1770), Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand
(1789). Pour L’Encyclopédie, il avait rédigé l’article :
« Traduction, Version ». C’est un traducteur de l’école de la rigueur,
de la fidélité. Il écrit à propos de la pensée originelle
de l’auteur à traduire : « Il n’en faut rien retrancher, il n’y
faut rien ajouter, il n’y faut rien changer : ce ne serait plus ni
version, ni traduction. » D’ailleurs9,
le texte de Salluste sera taxé de « traduction estimée pour son exactitude
et pour ses notes, mais sans élégance […]. »10 Nicole CHOLEWKA
Bibiographie
des sources : Encyclopedia Universalis. L’Atelier historique
de la langue française (Internet). Barthélémy, Discours
de réception à l’Académie française,
1789 (Internet). BDL, dans Office québecquois
de la langue française (Internet). Gouvard (Jean-Michel),
L’analyse de la prosodie dans la
Grammaire générale de Nicolas Beauzée
(site Semen). Histoire de la ponctuation
(la-ponctuation.com). Laurenceau (Annette),
site Persée. Santacroce (Michel),
Grammaire, linguistique et didactique du français langue
étrangère, 1999 (thèse ; en ligne). Bibliographie supplémentaire : Rey (Christophe),
Informatisation des articles de
Grammaire et Belles-Lettres de Beauzée et Marmontel dans l’Encyclopédie
méthodique, 2003 (thèse). Rey (Christophe),
Nicolas Beauzée : la clé inexploitée de la phonétique française,
2007 (article). Rey (Christophe),
Autour des synonymes de Nicolas Beauzée : approche descriptive,
2007 (article). Notes 1 Ou 24 (biographie Académie française) ou encore 25 (La Grande Encyclopédie de Berthelot). 2 Auteur d'ouvrages de grammaire et de belles-lettres ; il mit au service du Littré ses lectures, son expérience et son savoir (préface du dictionnaire). 3 À cette époque, la grammaire faisait partie de l'enseignement prodigué aux futurs officiers. 4 Cet ouvrage servira de base à Guizot et sera largement repris dans son Nouveau dictionnaire des synonymes en 1809. 5 Buffier, de Wally, Douchet, Girard, Grimarest, Lery, Restaut… 6 La-ponctuation.com 7 BDL, voir bbg. 8 Cela perdurera chez certaines femmes convaincues de la même chose (!) et à l'époque, exemple en est donné par Mme de Genlis, se faisant appeler gouverneur des enfants du duc d'Orléans, plutôt que gouvernante. 9 Dans Dictionnaire des dictionnaires. 10 On en reproche par ailleurs à Beauzée "une lecture rendue pénible par les innovations qu'il a voulu introduire dans l'orthographe. " |