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Nicolas BEAUZÉE
(Verdun, 9 mai 1717 – 231 janvier 1789)



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Nicolas Beauzée fit des études de mathématiques, puis de langues anciennes et modernes. Enfin il devint grammairien.

C’est un catholique fervent : une Exposition abrégée des preuves historiques de la religion chrétienne sera son premier ouvrage. Nous sommes en 1747.

En 1756, quand Dumarsais, qui était chargé de la rédaction des articles de langue (grammaire, usage, syntaxe…) de L’Encyclopédie, meurt, c’est Beauzée qui le remplace.

Reprenant la tâche de son prédécesseur, le nouveau rédacteur se trouve confronté aux subtilités et difficultés de la langue. Sans doute est-ce là le germe d’une réflexion qui prendra corps dans sa Grammaire future.

De Beauzée dans son travail, M.B. Jullien2 dit la chose suivante : « Il possède à un degré éminent […] l’étroite liaison des principes et de leurs conséquences, la déduction logique des définitions, en un mot, tout ce qui distingue un métaphysicien subtil, un logicien rigoureux. C’est ce qui fait que, sans avoir eu peut-être autant de génie que ses prédécesseurs, il a avancé la science et donné, sur presque toutes les questions importantes, des idées meilleures et plus saines.»

En 1767, il publie Grammaire générale ou Exposition raisonnée des éléments nécessaires pour servir à l’étude de toutes les langues. Beauzée pense que les lois du langage sont toutes issues de quelques principes généraux présents dans toutes les langues : il les expose à travers quelques cas. L’énoncé est clair, raisonné, méthodique ; c’est son œuvre essentielle. Sans doute est-ce chez Beauzée qu’on trouve la synthèse la plus achevée et la somme la plus complète des acquis des diverses « grammaires générales » de son temps. La « grammaire générale », explique Jean-Michel Gouvard, « a pour objet […] la détermination de principes immuables, valables pour toutes les langues du monde, de tout temps et en tout lieu. La grammaire particulière, en revanche, s’appuie sur des conventions changeantes d’une langue à l’autre. »

Marie-Thérèse d’Autriche, à la suite de cette publication, le gratifie d’une médaille d’or. Il obtient également un poste de professeur à l’Ecole royale militaire de Paris3.

Le 23 mai 1772, il est élu à l’Académie française (sur le fauteuil de Duclos).

En 1780, on lui doit une réédition, les Synonymes de Girard augmentés des synonymes de Duclos, Diderot, d’Alembert et de l’éditeur.4

Percevant le succès de L’Encyclopédie, le libraire Charles-Joseph Panckoucke confie à Beauzée et Marmontel la tache d’harmoniser le travail de Diderot. C’est ainsi que, de 1782 à 1786, l’Encyclopédie méthodique constitue une mise à jour, une réorganisation des thèmes, une simplification des références, de l’Encyclopédie.

En 1789, Beauzée publie son Dictionnaire de grammaire et de littérature. Cet ouvrage comprend les articles écrits pour l’Encyclopédie auxquels sont adjoints les articles de littérature de Marmontel.

*

Les grammairiens de l’époque5 se préoccupent de la ponctuation ; Beauzée ne fait pas exception. Au XVIIIe siècle, écrit Annette Laurenceau, « la ponctuation doit aider celui qui lit à haute voix. » « C’est une ponctuation basée sur l’oral, sur le rythme de la voix. »

Beauzée écrit : « La ponctuation est l’art d’indiquer par des signes reçus la proportion des pauses que l’on doit faire en parlant. » Pour lui, c’est « une métaphysique très subtile. » Il insiste sur son rôle syntaxique, qui aide au décodage du sens.

Cette façon de voir suscita un engouement tel que « les éditeurs tombèrent dans une sorte d’intégrisme de la ponctuation, ce qui les poussa même à corriger et à ponctuer avec exagération, de sorte qu’ils sabotèrent le sens d’origine de nombreux textes qu’on leur confia durant cette époque. »6

La ponctuation grammaticale se généralise également au détriment de la ponctuation respiratoire à mesure que se généralise la lecture silencieuse.7

On doit aussi évoquer la prosodie dans une acception nouvelle à l’époque, en particulier par rapport aux auteurs antiques, référence alors de règle. Beauzée dit en effet de la prosodie qu’elle « est à l’égard de la voix parlante ce qu’est la musique à l’égard de la voix chantante. »

Concernant la langue et ses règles, un point particulier est aussi à mettre en valeur, relatif au genre : en 1647, Vaugelas énonçait : « Le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer. » Vingt ans plus tard, Beauzée confirme et « justifie » : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »8

*

Bon latiniste, on doit enfin à Beauzée des traductions : Salluste, Histoires (1770), Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand (1789). Pour L’Encyclopédie, il avait rédigé l’article : « Traduction, Version ». C’est un traducteur de l’école de la rigueur, de la fidélité. Il écrit à propos de la pensée originelle de l’auteur à traduire : « Il n’en faut rien retrancher, il n’y faut rien ajouter, il n’y faut rien changer : ce ne serait plus ni version, ni traduction. »

D’ailleurs9, le texte de Salluste sera taxé de « traduction estimée pour son exactitude et pour ses notes, mais sans élégance […]. »10



Nicole CHOLEWKA

Bibiographie des sources :

Encyclopedia Universalis.

L’Atelier historique de la langue française (Internet).

Barthélémy, Discours de réception à l’Académie française, 1789 (Internet).

BDL, dans Office québecquois de la langue française (Internet).

Gouvard (Jean-Michel), L’analyse de la prosodie dans la Grammaire générale de Nicolas Beauzée (site Semen).

Histoire de la ponctuation (la-ponctuation.com).

Laurenceau (Annette), site Persée.

Santacroce (Michel), Grammaire, linguistique et didactique du français langue étrangère, 1999 (thèse ; en ligne).

Bibliographie supplémentaire :

Rey (Christophe), Informatisation des articles de Grammaire et Belles-Lettres de Beauzée et Marmontel dans l’Encyclopédie méthodique, 2003 (thèse).

Rey (Christophe), Nicolas Beauzée : la clé inexploitée de la phonétique française, 2007 (article).

Rey (Christophe), Autour des synonymes de Nicolas Beauzée : approche descriptive, 2007 (article).



Notes

1 Ou 24 (biographie Académie française) ou encore 25 (La Grande Encyclopédie de Berthelot).

2 Auteur d'ouvrages de grammaire et de belles-lettres ; il mit au service du Littré ses lectures, son expérience et son savoir (préface du dictionnaire).

3 À cette époque, la grammaire faisait partie de l'enseignement prodigué aux futurs officiers.

4 Cet ouvrage servira de base à Guizot et sera largement repris dans son Nouveau dictionnaire des synonymes en 1809.

5 Buffier, de Wally, Douchet, Girard, Grimarest, Lery, Restaut…

6 La-ponctuation.com

7 BDL, voir bbg.

8 Cela perdurera chez certaines femmes convaincues de la même chose (!) et à l'époque, exemple en est donné par Mme de Genlis, se faisant appeler gouverneur des enfants du duc d'Orléans, plutôt que gouvernante.

9 Dans Dictionnaire des dictionnaires.

10 On en reproche par ailleurs à Beauzée "une lecture rendue pénible par les innovations qu'il a voulu introduire dans l'orthographe. "