Maurice COUSIN, comte de Courchamps
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Quatorze ans après
la Physiologie du goût de Brillat-Savarin, Cousin ou Courchamps
– l’un ou l’autre nom sont utilisés – publie, en 1839, une
Néophysiologie du goût,
ou, dans l’édition de 1853, un Dictionnaire général de la
cuisine française ancienne et moderne,
titre générique suivi d’un autre titre longuement explicité :
De l’Office et de la pharmacie domestique,
ouvrage où l’on trouvera toutes les prescriptions nécessaires
à la confection des aliments nutritifs ou d’agrément
à l’usage des plus grandes et des plus petites fortunes ;
Publication qui doit suppléer à tous les livres de Cuisine dont le
public n’a que trop expérimenté
le charlatanisme, l’insuffisance et l’obscurité ; Enrichi de plusieurs
menus, prescriptions culinaires, et autres opuscules inédits de M.
de la Reynière, Auteur de l’Almanach des Gourmands1 ;
Suivi d’une collection générale des
menus français depuis le douzième siècle, et terminé
par une pharmacopée qui contient toutes les préparations médicinales
dont l’usage est le plus utile et le plus familier.2
Le livre fait 635 pages. En fait, l’ouvrage
fut publié sans faire parler de lui, dans la mesure où son auteur
resta anonyme. « Il en eût peut-être été autrement si son auteur,
qui passait alors pour un gastronome des plus distingués, avait signé
son œuvre. Cette Néophysiologie du goût
est, en effet, assez intéressante ; elle n’a pas la sécheresse ordinaire
du livre de cuisine, elle n’en a pas non plus la banalité. Ça et
là, dans les colonnes de cette sorte d’encyclopédie de la gourmandise,
à côté des recettes pratiques, se rencontrent des anecdotes piquantes.»
(Quérard) Voici deux extraits
provenant de recettes et remarques « empruntées » au célèbre La Reynière,
que cite Maurice Cousin dans le titre de son dictionnaire : Asperges
à la Pompadour3 ([…] d’une
délicatesse exquise, d’une simplicité
charmante et d’une élégance parfaite)
[…] Sauce : Videz un moyen pot de beurre de Vanvres4 ou
de la Prévalais5 en en prenant le contenu par cuillerées
et en le mettant dans une casserole d’argent : joignez-y quelques grains
de sel avec une forte pincée de macis en poudre, une demi-cuillerée
de fleur de farine d’épeautre, et de plus deux jaunes frais bien
délayés avec quatre cuillerées de suc de verjus muscat. Faites cuire
ladite sauce au bain-marie, en évitant de l’allourdir en lui laissant
prendre trop d’épaisseur : mettez vos morceaux d’asperges tranchés
dans ladite sauce, et servez le tout ensemble en casserole couverte
et en extra, pour que cet excellent entremets ne languisse point
sur la table, et puisse être apprécié dans toute sa perfection. Cette
intéressante formule nous est parvenue des archives de M. Grimod de
la Reynière, qui l’avait eue par succession de son grand-oncle, M.
de Jarente, ministre d’État pendant la faveur de madame de Pompadour.
L’auteur du manuscrit original a eu soin d’observer que ces asperges
à la Pompadour doivent se servir à la cuillère, et se manger à la
fourchette. Cerises.
On fait avec les cerises, surtout dans leur primeur, d’excellentes
compotes ; on en fait aussi d’assez bonnes confitures ; on les dessèche
au four, on les botte avec du sucre fin, on les met à mi-sucre, on
les met en conserve ; on les prépare à l’eau-de-vie, en dragées ;
on en garnit les tourtes d’entremets ; enfin c’est un des fruits
qui offre plus de ressource aux officiers6, et surtout aux
confiseurs. * Si mon insistance a
porté sur cet ouvrage-là, ce n’est pourtant pas le seul signé de
Cousin. En 1838 était en effet paru : Les Nuits de Berlin, suivies
d’un Tableau de l’état général du Protestantisme en Europe et
dans les missions protestantes.
En fait, il semble qu’il s’agisse d’une traduction de l’allemand,
et que le texte soit considéré comme un plagiat. En revanche, c’est
bien Maurice Cousin qui est le véritable auteur de mémoires titrés
Souvenirs de la Marquise de Créquy (1710-1802),
de 1834 à 1836. Le comte de Courchamps aurait brodé avec bonheur
et talent sur des souvenirs véritables mais à l’origine d’une
grande banalité. Nicole CHOLEWKA
Bibliographie : Joseph-Marie Quérard,
les Supercheries littéraires dévoilées,
1847 (date pour cette partie de l’œuvre ; en ligne). Cet ouvrage est
une « Galerie des écrivains français de toute l’Europe qui se sont
déguisés sous des anagrammes, des astéronymes, des cryptonymes, des
initialismes, des noms littéraires, des pseudonymes facétieux ou bizarres,
etc.» [les astéronymes sont des noms d’astres, et les
cryptonymes… des pseudonymes, note de NC.] Textesrares.com (en
ligne) Georges Vicaire,
Bibliographie gastronomique,
1890. [recense plus de 2500 ouvrages parus sur le sujet entre le XVe
et le XIXe s.] Notes 1 Premier ouvrage offrant un itinéraire des cafés et des restaurants, par le célèbre gastronome. 2 Il est ajouté : Dédié a [sic] l'auteur des Mémoires de la marquise de Créquy. Lequel auteur n'est autre que… lui-même ! 3 Cette recette est également rapportée dans le livre de cuisine d'Alexandre Dumas. Et Courchamps y est cité à plusieurs reprises. 4 Aujourd'hui Vanves. 5 Beurre salé d'une région de Bretagne. Les deux beurres cités étaient alors très estimés. 6 Il s'agit ici, employé au pluriel, de l'ancien sens de " personnel officiant en cuisine ". |