Louis HACHETTE
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(Louis Hachette en 1833) Louis (Christophe
François) Hachette naît dans les Ardennes le 5 mai 1800
(alors le 15 floréal an VIII). Sa famille est paysanne et pauvre ; ils
sont catholiques. Son père, Jean, projetait d’acheter une charge
d’huissier, en vue de s’établir comme tel à Rethel ; mais cela
nécessitait une inscription à l’école de droit de Paris. En novembre
1807, il y entraîne sa famille au grand complet : son épouse ; ses enfants :
Louis, son fils aîné, sept ans ; Louise, cinq ans, et Édouard, un
an. Une fois obtenu son
diplôme, M. Hachette rentre à Rethel, mais sans sa famille : son épouse
refuse en effet de retourner en province, considérant que la vie et
l’avenir de ses enfants est désormais à Paris. Devenue chef de famille,
elle peine à assurer le quotidien avant de trouver, en 1809, un emploi
de lingère au lycée Louis le Grand, alors Lycée impérial.
Louis fréquente l’école paroissiale de Saint-Séverin, de 1807 à
1809 (classes élémentaires), puis le lycée impérial, où il côtoie
Eugène Burnouf (qui deviendra linguiste et spécialiste de la culture
indienne), Louis-Marie Quicherat, futur latiniste renommé, qui sera
professeur de linguistique et lexicographe ; Louis éditera ses dictionnaires
latin-français et français-latin. Il côtoie aussi Émile
Littré. Le jeune homme souhaite
devenir enseignant, et, pur produit de l’élitisme républicain de
l’époque, est admis brillamment -il est reçu troisième- en 1819
à l’École normale. Il y fait de brillantes études : il est particulièrement
doué en latin et grec, ainsi qu’en anglais ; mais son cursus est stoppé
net à la fermeture de l’établissement en 1822, sous l’impulsion
négative de Corbière, ministre de l’Intérieur, qui pensait de cette
institution qu’elle était une «sentine d’irréligion qui infectait
et perdait la jeunesse» ; et relayé par Frayssinous, ecclésiastique
anti-école publique, qui vient d’être nommé grand-maître
de l’Université, et dont la suppression de l’École normale, en
septembre de cette année-là, fut le premier acte administratif. Le
jeune normalien a alors son baccalauréat –qui vient tout juste de
naître et se passe alors dans les facultés– puis sa licence (le
14 mai 1822), mais il ne peut à cause de la fermeture de l’établissement,
préparer l’agrégation. Louis vit alors de
leçons particulières comme répétiteur en institutions privées,
en recommençant un cursus d’étude, en droit cette fois, à partir
de novembre 1823 ; il a pour idée de devenir avocat, mais arrêtera
avant la licence. En 1824 il est précepteur des enfants du notaire
de Mme de Staël, François Fourcault de Pavant. En 1826
il décide de changer l’orientation de sa vie en rachetant une minuscule
librairie du quartier latin, 1 rue du Battoir-Saint-André (la partie
de la rue qui depuis est devenue rue Serpente) à Jacques Brédif, dont
le fonds de livres est chétif. C’est une entreprise a priori hasardeuse :
le milieu est difficile et fermé, mais Louis est plein d’enthousiasme
pour tenter une aventure qui lui tient à cœur. Et, surtout, il peut
mener à bien son projet grâce à l’aide financière d’une famille
de notaires proche de son employeur et présentée par lui : les
Bréton : le père : Henri, lui accorde un prêt. Plus tard, le fils
Louis deviendra son gendre et son premier associé. (Première page du livre-journal
de la librairie, écrite de la main de l’épouse de L. Hachette, qui
tenait elle-même les comptes) L’idée de l’enseignement
lui étant toujours restée chère (sa devise est : « Sic quoque
docebo », Ainsi, moi aussi j’enseignerai) , il va se spécialiser
dans l’édition scolaire, alliant le cœur et la raison, car il se
révèle vite farouche homme d’affaires et d’argent. Il a des idées,
de l’initiative et sait utiliser ses réseaux : ainsi, il reste en
contact avec ses anciennes connaissances, qui ont pour la plupart des
métiers liés à l’enseignement : directeurs d’école, professeurs
(Augustin Thierry, Adolphe Mazure, François Ragon…). Sa première
publication voit le jour un an après son installation : en 1827
sort le Dictionnaire Grec-Français,
de Charles Alexandre. Au même moment, c’est le début de publication
de sa revue d’information, Le Lycée,
parution qui donne la parole aux universitaires, et insiste notamment
sur la gratuité et la liberté de l’enseignement. Il la confiera
en 1833 à un ami normalien (Jacques Saigey) ; lui fondera et s’occupera
du Journal de l’instruction élémentaire,
destiné à un plus large public. Cette année-là est
décidément importante pour l’éditeur : c’est encore en 1827 qu’il
se marie (le 17 février) avec Amélie (Catherine Marie Agathe) Barbédienne.
Louis aura quatre enfants de cette union, dont deux mourront en bas-âge
: Marie-Joséphine (1828-1831) et Marie (1830-1831) ; les deux autres
sont Louise (1829-1900 ; elle épousera Émile Templier, cousin germain
de Louis Bréton futur associé de Louis, et qui deviendra à son tour
son associé), et Alfred (1832-1872). Cette même année
encore, parait Le Nain politique,
curieux roman historique de la Pologne du XVIe
s.,de la comtesse de Choiseul-Gouffier. Parallèlement à son activité
éditrice scolaire, Louis diffuse, compte tenu de sa notoriété, et
probablement à des fins financières, pour le compte d’autres libraires.
Ce roman par exemple lui apportera une commission de soixante pour cent
du prix de vente. En 1831, il
lance une collection de manuels bon marché, la Bibliothèque des
écoles primaires, dont le premier grand succès d’édition, dont
il a rédigé une partie, est Alphabet et premier livre de lecture
à l’usage des écoles. C’est le premier manuel scolaire destiné
massivement aux écoliers (qui dépassera le million d’exemplaires
après la promulgation de la loi Guizot). De la même façon, en
1846, un manuel de lecture verra le jour : Robinson dans son
île, ou Abrégé des Aventures de Robinson
(traduction par Ambroise Rendu). En 1832, son
catalogue compte déjà vingt-quatre pages et, outre les livres, propose
aussi à la vente ardoises, craie, crayons, compas, bons points… Une occasion importante
d’expansion est donnée à Hachette par Louis-Philippe, dont le ministre
de l’instruction publique, François Guizot (Louis aurait suivi ses
cours quand il avait une chaire d’histoire moderne à la Sorbonne),
promulguera, en 1833, la loi importante qui porte son nom1,
puis par Napoléon III : tous deux lui passeront commande d’ouvrages
à utiliser dans les écoles. Lors de la mise en place de cette loi
aidant le développement de l’instruction primaire, Hachette présente
un catalogue d’ouvrages destinés aux établissements concernés ;
il obtient le marché de tous les livres jugés nécessaires à leur
équipement. Entre-temps, le libraire-éditeur
aura eu maille à partir avec le sort : financièrement, parce que l’économie
française traverse une phase de dépression et que l’édition n’échappe
pas aux difficultés générales du pays, d’autant moins que très
vite la concurrence d’autres éditeurs va jouer, mais surtout, parce
qu’il se retrouve veuf en 1832, quand son épouse est emportée
par l’épidémie de choléra qui dévaste Paris. Complètement anéanti
par le chagrin, il traverse une période difficile où il songe au suicide,
pour se replonger ensuite dans le travail et faire de la prospérité
de son affaire une de ses préoccupations principales. En 1833 il se
donne donc à nouveau à fond dans une entreprise qui ne fera que prendre
de l’ampleur, tant au niveau quantitatif que qualitatif ; cette année-là
cinquante-quatre titres sortiront , puis soixante-et-un en 1835, quatre-vingt
six en 1840 et cent vint-neuf en 1843 ! Parallèlement, le nombre de
personnes travaillant pour lui ne cesse d’augmenter : cinq en 1833,
seize en 1840, cent soixante-cinq l’année de sa mort. C’est un
patron dur à la tâche, exigeant, ne s’économisant pas et imposant
de dures conditions de travail à ses employés. Il se remarie en
1836 (le 29 janvier) avec Pauline (Catherine) Royer, avec qui il
a eu un enfant : Georges (1832-1892). En 1851, à l’occasion
de l’Exposition universelle de Londres, l’éditeur découvre les
bibliothèques de gare de ce pays, créées grâce à une idée de William
Henry Smith. Cet exemple l’inspirant, il l’applique en France en
créant les bibliothèques de gare2 et met en place en
1852 la Bibliothèque des chemins de fer, ensemble d’ouvrages
maniables, bon marché, destinés à divertir et instruire les voyageurs.
Sept collections y voient le jour, conçues pour tous les goûts et
tous les publics, et au domaine prédéfini par sa couleur : rouge pour
les guides de voyages ; bleu pour les traités d’agriculture et d’industrie ;
jaune pour la littérature étrangère, etc… « Ma double devise est
de leur [aux voyageurs] être utile et de les amuser honnêtement. »
dit Hachette (voir aussi annexes). Ses activités, à
cette époque, sont élargies à la littérature générale (il publie
Lamartine, Fromentin, Taine) . En 1854, il invente la fonction
de directeur de collection : confiant pour la première fois cette tâche
au politique et historien Victor Duruy. La même année, l’éditeur
achète le château du Plessis-Piquet (devenu Le Plessis-Robinson en
1904). Il sera maire, puis conseiller municipal de la commune. Régulièrement,
il organisera des chasses à courre dans ses terres alentour et invitera
chez lui le monde littéraire et professoral : Lamartine, Gautier, Hugo,
la comtesse de Ségur et bien d’autres fréquenteront le lieu. Quelques
temps avant cette acquisition immobilière, l’éditeur devenu très
prospère aura fait construire un vaste immeuble professionnel boulevard
Saint-Germain (qui sera utilisé jusqu‘en 1995).
(Louis Hachette en 1854,
photographié par Adam Salomon) Appliquant le principe
des livres « de gare » pour adultes à la littérature enfantine, Hachette
crée une collection bleue pour les garçons et une collection rose
pour les filles : c’est la bibliothèque rose
(en l’occurrence illustrée)
qui existe encore aujourd’hui et fera perdurer, par exemple,
la littérature de la Comtesse de Ségur. En 1842 déjà, Hachette
avait eu l’idée d’une publication destinée aux milieux enseignants :
La Revue de l’instruction publique. Avec une créativité
et une énergie jamais en reste, il lancera entre autres innovations,
celle des guides et des récits de voyage, dont Le Tour du monde
(1860), ainsi qu’un des premiers magazines distractifs : Le Journal
pour tous (1855) ; sans oublier, à l’intention d’un public très
jeune : La semaine des enfants
(1857). Ses illustres clients
lui donnent les moyens financiers d’aller à la découverte d’auteurs
étrangers (surtout anglais) et de les faire traduire. Ce qui enrichit
le catalogue d’édition existant d’auteurs tels que Charles Dickens
ou Robert Stevenson. Et pour illustrer ses livres pour enfants, Louis
fait appel à des artistes de renom : il popularise par exemple ainsi
les dessins de Gustave Doré. Il faut noter, en
1863, la très importante publication du Dictionnaire de la
langue française, de Littré, son ami de longue date. L’homme à qui Larousse
attribuait une remarquable intelligence et une haute probité, est frappé
dans son immeuble de Saint-Germain d’une paralysie « due à un épanchement
du cerveau ». Il meurt le 31 juillet 1864 au Plessis-Piquet.
Il est inhumé au cimetière Montparnasse après des funérailles où
sont rassemblées plus de deux mille personnes et laisse à ses successeurs,
ses fils et ses gendres qui reprendront le flambeau, une immense fortune
et un empire éditorial. Nicole CHOLEWKA
Bibliographie : Les archives photographiques
sont issus des fonds Hachette et reproduits d’ouvrages cités dans
la bibliographie. Annexes Annexe 1 :
Le 1er avril 1852, la maison Hachette adressait la lettre
suivante aux Compagnies de chemin de fer : « Le voyageur est condamné
au désœuvrement dès qu’il entre dans les wagons. La monotonie de
la route ne tarde pas à produire son effet : l’ennui arrive ou, ce
qui est pire, l'impatience s’empare de ce malheureux que la machine
entraîne comme un colis. MM. Louis Hachette
et Cie ont eu la pensée de faire tourner les loisirs forcés
et l’ennui d’une longue route au profit de l’agrément et de l’instruction
de tous. Ils ont songé à créer une bibliothèque des chemins de fer,
qui ne comprendra que des ouvrages intéressants, d’un format commode,
d’un prix modéré. Seront sévèrement
bannies toutes les publications de nature à exciter ou à entretenir
les passions politiques, ainsi que tous écrits contraires à la morale.
Ce dernier point est d’intérêt public, car on sait que dans un pays
voisin du nôtre [la Grande-Bretagne], les mauvais livres sont vendus
par milliers dans ces stations, achetés par des jeunes gens et même
par des jeunes femmes qui voyageaient dans le seul but de dévorer des
romans qu’elles eussent rougi de laisser pénétrer dans le foyer
domestique. » Annexe 2 : « Le
puissant libraire de l’Université, M. Hachette, a réalisé le problème
de la lecture à vapeur, par sa Bibliothèque des Chemins de fer
déjà si riche et si variée. Elle se composera d’environ cinq cents
ouvrages, dont cent cinquante ont paru et plus de deux cents sont sous
presse. Occuper agréablement les loisirs forcés des voyageurs, leur
fournir des renseignements exacts et complets sur tout ce qui peut les
intéresser en route ; les AMUSER HONNETEMENT et leur ETRE UTILE, voilà
le but et la devise de cette collection. Ses nombreux volumes sont rédigés
exprès, ou tirés des meilleurs auteurs. Chacun d’eux forme un exemple
à part, et peut s’acheter isolément. Ils sont tous imprimés dans
un format portatif et commode, en caractères très lisibles, même
pour les yeux les plus délicats. Le touriste les place facilement dans
sa poche ou dans son sac de voyage. Enfin, pour lui éviter tout embarras,
les feuilles sont coupées d’avance, raffinement de prévenance inouï.
[…] (Pitre-Chevalier3, Musée des familles, 1855). Citons parmi les diverses
œuvres proposées à la vente, les ouvrages d’auteurs français ou
étrangers comme Lamartine, Balzac, Cervantes, Dickens ou Gogol ; Soulié
(écrivain oublié aujourd’hui, mais fort prisé de son temps, auteur
de drames romantiques et de romans-feuilletons.) Notes 1 La loi Guizot fait faire un grand pas à l'école primaire, notamment en matière d'alphabétisation : les communes (certes, uniquement de plus de 500 habitants) sont tenues d'avoir une école primaire et les départements une école normale. Malheureusement, il ne s'agit encore que d'écoles de garçons. 2 Ce sont les ancêtres, dans les gares, de nos Relais H[achette] (points de vente dont le nom est devenu Relay non pas par anglicisation du terme, encore que ce retour aux origines ne serait pas illégitime, mais par volonté de compréhension et de prononciation dans le plus de pays possible ; d'ailleurs le mot relay existait en ancien français). 3 Sobriquet de Pierre-Michel-François Chevalier (1812-1863), écrivain et rédacteur en chef, à partir de 1850, du Musée des familles, recueil littéraire fondé en 1833 par Émile de Girardin sur le modèle des magazines anglais et fort illustré de gravures sur bois, et qui se voulait une encyclopédie récréative destinée aux gens du monde, aux jeunes et aux femmes, et qui apporte une éducation contemporaine. |