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Recherche Chronologique Bibliographie ![]() Bas-relief représentant
Nicolas Perrot d'Ablancourt2 (Châlons-en-Champagne)
Eléments
biographiques. Nicolas Perrot
d’Ablancourt naît en 1606 à Châlons-sur-Marne3, en Champagne,
de Paul Perrot, écuyer, et Anne Desforges. Ses aïeux appartenaient
à la noblesse de robe. Ablancourt est le lieu où se tient la propriété
de la famille4. Il est le second enfant du couple qui a déjà
une fille, Marie5. Ses parents
le placent très jeune au collège6 de Sedan. Cela s’explique
probablement par le fait que la famille de Nicolas est protestante,
attachée très tôt à la Réforme ; or, Sedan est une des académies7
où les Eglises réformées ont fait ouvrir des collèges, assurant
à la fois une éducation spécifique et la formations de pasteurs.8 On fait revenir
Nicolas à Châlons en 1619 ; il étudie alors la philosophie. Il « monte »
ensuite à Paris, au cours des années 1620, faire des études de droit.
C’est au cours de ces années d’étude qu’il rencontrera Patru9,
qui deviendra un ami, et Boileau. Perrot est curieux, aime apprendre.
Il aime les mots, se cultive sans cesse. Outre le droit, il étudie
aussi la littérature, les langues : le latin, le grec, l’espagnol,
l’italien. A cette période
succède un brusque repli, physique et spirituel : il quitte Paris, le
métier d’avocat, ses amis, et se retire à Ablancourt, de 1628 à
1631 (de 22 à 25 ans), pour y étudier la théologie. Perrot a régulièrement
été « travaillé » par la croyance et les questions religieuses (il
a pensé, vers 20 ans, embrasser la carrière ecclésiastique) et eu
régulièrement des moments de doute vis-à-vis du protestantisme. Peut-être
les gens qui l’entouraient et dont il faisait cas avaient-ils un certain
poids dans ces doutes. C’est à
cause de sa croyance qu’il ne put être historiographe de Louis XIV,
alors que Colbert l’avait pressenti pour cette fonction. Le roi refusa
en effet un historiographe qui ne fût pas catholique.10 Durant les
années 1631 à 1633, Nicolas part en Hollande, à Leyde11,
où il apprend l’hébreu grâce à Saumaise12, puis en
Angleterre, quelques mois, avant de rentrer en France, à Paris. De retour dans
la capitale, il se remet à fréquenter beaucoup de gens, tout un monde
de littérature, de science et de spectacle, dans lequel il est d’autant
plus apprécié qu’ « avec une réelle gaieté et une brillante conversation,
il avait l’art de mêler sa sérieuse instruction et son immense savoir
à des propos utiles et enjoués. »13 En 1637 (le
23 septembre), il est admis à la toute jeune14 Académie
française comme successeur de Paul Hay du Chastelet15. La
rédaction du dictionnaire élaboré par la célèbre institution l’intéresse
énormément. Mais son investissement dure peu de temps car il tombe
gravement malade. En 1640, il
est de retour en terre champenoise. Il restera retiré chez lui jusqu’à
sa mort. C’est sans doute peu de temps après ce retour de Paris qu’est
placé chez lui le jeune Pierre
Richelet, probablement
comme secrétaire. C’est le début d’une longue amitié entre les
deux hommes, d’âge très différent mais à l’amour des mots semblable. Perrot d’Ablancourt
usera plusieurs fois de son influence pour aider Richelet16,
qui par ailleurs apprendra énormément, à son contact, sur le plan
de la langue, des lettres. Ce retour amorce
l’œuvre de sa vie, ce long travail de traductions perennées
sous le nom de belles infidèles, parce que le traducteur est
plus attaché à l’élégance et à la beauté du rendu du texte traduit
qu’à la fidélité et au sens littéral du texte originel. Entre-temps,
en 1661 il est le précepteur du jeune Louis Dufour17. Vieillissant,
malade, Nicolas Perrot d’Ablancourt reste constamment chez lui. Richelet
lui sert, à cette époque, de messager pour ses missives vers Paris18. Mort sans avoir
achevé son œuvre19, il a demandé à Richelet et à son
neveu, Frémont d’Ablancourt, de mener à bien son travail.20 Son
œuvre : « traduire » : les belles infidèles Perrot s’est
distingué dans le domaine de la traduction, essentiellement d’auteurs
latins et grecs. Il s’est consacré à ce travail de 1637 jusqu’à
sa mort.21 Hormis les
œuvres traduites, Nicolas Perrot d’Ablancourt est également auteur
de textes personnels, et au dire de Chapelain : « Il est de tous nos
écrivains en prose celui qui a le style le plus dégagé, plus ferme,
plus résolu, plus naturel. Son génie est sublime ; et quoiqu’il
soit sans comparaison le meilleur de nos traducteurs, c’est dommage
qu’il se soit réduit à un emploi si fort au-dessous de lui. » Mais,
humble, Perrot affirmait préférer traduire de belles œuvres que d’en
créer de mauvaises. Il a traduit
des textes d’Arrien22 (en 1646), Jules César (en 1650),
Cicéron, Frontin23, Les Statagesmes ; de Lucien de
Samosate24 (en 1654), Minucius Felix25, Octavius
(en 1637), Plutarque, Polyen26 ; La Germanie
et La Vie d’Agricola, 1646 ; Histoires,
1651) ; de Thucydide (1662), de Xénophon (1648). Question fondamentale,
encore aujourd’hui, que celle de la façon de travailler une traduction ;
paradoxe commun que celui de la personne qui traduit, désireuse de
restituer le sens littéral du texte, d’être fidèle
à la pensée de l’auteur, mais non moins désireuse de donner à
ce texte de la clarté, de la légèreté : un style, une élégance
qui n’existent pas forcément a priori. Deux attitudes : traduire littéralement,
presque mot à mot, au risque d’être lourd, mais ne voulant pas trahir,
ou avoir à l’idée de garder l’esprit du sens de l’œuvre,
tout en se détachant de son mot à mot, voire en l’adaptant
à l’époque. Fragile, difficile équilibre. Perrot d’Ablancourt
aborde le problème de la seconde façon : « […] dans
les meilleurs autheurs, il y a des endroits qu’il faut retoucher ou
éclaircir […] j’agence les choses à nostre air et à nostre façon
[…] » Il ajoute : «[…] cela n’est pas proprement de la traduction ;
mais cela vaut mieux que la traduction […]» Par exemple,
concernant Lucien, il lui a « fallu changer tout cela, pour faire quelque
chose d’agréable : autrement ce ne serait pas Lucien : et ce qui plaît
en sa langue, ne serait pas supportable en la nôtre. » Il écrit encore :
« Il y a beaucoup d’endroits que j’ai traduits mot à mot, pour
au moins autant qu’on le peut faire dans une traduction élégante ;
il y en a aussi où j’ai considéré plutôt ce qu’il fallait dire
[…]». Des exemples
donneront une idée plus précise de sa façon de travailler ; en voici
quelques-uns : Exemple
de Lucien de Samosate, Histoire véritable27
. C’est cette œuvre qui a fait taxer ses traductions de belles
infidèles28. Mais avant même cette date et cette
œuvre, sa façon d’opérer était déjà là. Sa traduction
est la suivante : « Je vis
deux merveilles dans le palais du roi ; un puits qui n’était pas
fort profond, où en descendant on entendait tout ce qui se disait dans
le monde ; et un miroir au-dessus, où en regardant on voyait tout ce
qui s’y passait. J’y ai vu souvent mes amis et ceux de ma connaissance,
mais je ne sais s’ils me voyaient. Si quelqu’un ne veut pas me croire,
quand il y aura été, il me croira. » La traduction
du même extrait, de la part de Pierre Grimal (éd. de 1958) donne ceci : « J’ai
encore vu une autre merveille dans le palais royal : un très grand miroir
est disposé au-dessus d’un puits, qui n’est pas fort profond. Si
quelqu’un descend dans ce puits, il entend tout ce qui est dit chez
nous, sur la terre, et si l’on regarde dans le miroir, on voit toutes
les cités, toutes les nations, exactement comme si l’on était au
milieu d’elles. A cette occasion, je vis moi-même ma famille, ainsi
que ma patrie toute entière, mais me virent-ils eux-mêmes, cela je
ne puis encore l’assurer pour certain. Quiconque ne croit pas qu’il
en est vraiment ainsi, s’il lui arrive un jour de monter lui-même
jusque-là, s’apercevra que je dis la vérité. »29 Exemple
de Tacite, Histoires30.
Concernant cette œuvre, seront mises en parallèle traductions et notes
« explicatives » de l’auteur. Ainsi, il retitre
L’Histoire et le justifie ainsi : « J’ai mis l’Histoire,
et non pas les Histoires, parce qu’on ne parle point de la
sorte en notre langue que pour désigner un ramas d’Histoires particulières
[…] mais on dit l’Histoire de Tite-Live,
et l’Histoire de Monsieur de Thou,
quoi qu’elles soient au pluriel en Latin. » Et dans le
corps du texte, voici quelques passages et notes : « Où l’on
peut dire sans crainte ce que l’on pense »
: Je n’ajoute pas comme l’Auteur : où l’on peut penser ce que
l’on veut, parce que cela est toujours permis. « Qui n’est
pas une petite félicité. » : Au lieu de petite,
il y a au Latin ordinaire, mais il n’est pas aussi élégant ;
ce que j’allègue pour servir d’exemple à plusieurs endroits où
je biaise ainsi pour trouver les grâces de ma langue, ou la justesse
du raisonnement. « Les mœurs
corrompues » : Il y a au Latin magna adulteria ; mais cela
n’eût point eu de grâce de mot à mot. De par sa façon
de concevoir le travail « libre » de traduction, Perrot s’inscrit
dans un mouvement dont le plus connu de ses représentants est Valentin
Conrart31, homme de lettres, « logisticien » des débuts
de l’Académie française, et qui aura, outre Perrot, auprès de traducteurs
comme Patru, Giry32, et plus tard, Vaugelas, une grande influence. Bibliographie
succincte : Sources consultées : Laurent BRAY,
César-Pierre Richelet, 1626-1698 : biographie et oeuvre lexicographique,
with an English Summary, Tübingen, 1986, diff. Presses Universitaires
de Lille. coll. Lexicographia, 15. Internet, ici
et là, mais particulièrement l’article de François Veillerette :
merci. A titre de
référence importante : Roger ZUBER,
Les belles infidèles et la formation du goût classique. Perrot d’Ablancourt
et Guez de Balzac., Paris, A. Colin, 1968. A titre d’info
pour avoir une vue plus générale : Marie-France
Wagner (Université Concordia), 1992, dans erudit.org/revue. Notes : |